JARDIN DAVID a écrit :
Je me permets de vous indiquer cette ressource en ligne très intéressante et en lien direct avec le sujet :
http://classiques.uqac.ca/contemporains ... sonne.htmlC'est l'universitaire Michel BERGES qui avait "soulevé le lièvre" des archives de Bordeaux et qui a constaté qu'en définitive, sa démarche n'intéressait les plaignants que dans la mesure où elle permettait d'instruire à charge. Or il en était arrivé à une analyse plus nuancée mais inaudible.
Bonne lecture.
JD
Jardin David, je vais lire cela avec intérêt, mais d'entrée il y a des éléments qui me gênent.
Tout d'abord que cela soit publié en 99, soit un an après la condamnation de Papon en 98. (Après 17 ans de démêlées judiciaires pour finalement aboutir à un procès !) Hors la loi française interdit en principe de commenter une décision de justice. Admettons que cette exception peut se justifier au regard son intérêt historique... (De plus c'est mis en ligne par une université québecoise, hors d'atteinte sur ce point, même si on le voulait.)
Une chose me choque : dans le lien que vous donnez, apparait d'entrée la mention "Une édition électronique réalisée à partir du livre de Maurice Papon, LA VÉRITÉ N'INTÉRESSAIT PERSONNE. Entretiens avec Michel Bergès sur un procès contre la mémoire. Paris: François-Xavier de Guibert, 1999"
C'est donc un plaidoyer pro-domo de la part de Papon, qu'on n'est en rien obligé de prendre pour parole d'évangile. Il s'agit de revenir sur le procès et d'en contester l'objectivité.
J'ai à peine commencé à lire, mais j'ai déjà noté l'affirmation de Papon :"On ne voulait pas voir que nous travaillions sous l'occupation allemande". Hors le jugement de condamnation tient bien compte de certains éléments de contexte : Papon est condamné pour "arrestations arbitraires et séquestrations", mais on ne lui reproche pas d'avoir tué :
Wiki a écrit :
Cependant, le tribunal estimant qu'il n'existait pas de preuve que Papon avait connaissance de l'extermination des Juifs à l'époque des faits, il est acquitté pour toutes les charges de « complicité d'assassinat » et des « tentatives de complicité d'assassinat ».
Malgré tout, comme le dit Gilles Perrault "l'honneur d'un homme n'est jamais un enjeu secondaire", et je vais regarder cela d'un oeil... critique.
Jerôme a écrit :
D autre part sous l'occupation, ses responsabilités étaient purement administratives, ce qui limitait considérablement ses rapports avec les Allemands ou avec la police ! Même si les aspects administratifs de la politique anti sémite dépendaient de lui (les fichiers essentiellement).
Pour voir un peu lu sur la question - j'ai oublié le nom de l'ouvrage - il est clair que ce rôle "purement administratif" comportait les ordres d'arrestation et de transfert de Juifs, ou de familles juives, nommément désignés et "logés" - pour parler comme la police - ce qui signifiait la déportation. Il comportait également les moyens réquisitionnés ou payés pour le transfert, en particulier les rapports avec la SNCF pour les transferts à Drancy.
Vous avez également mentionné la tenue des fichiers. (Les fichiers répertoriant les Juifs de la région, je pense.) Un rôle "purement administratif" peut-être parfaitement criminel.
Savoir dans quel mesure Papon pouvait s'opposer à la déportation une fois qu'une famille juive avait été repérée par la police, la Milice (acharnée à la chasse aux Juifs fin 43-mi 44) ou la Gestapo, et si même il avait le désir de s'y opposer, je ne sais pas trancher. Mais le tribunal l'a fait, et l'universitaire Michel BERGES, qui soutient la thèse de la défense de Papon, à savoir une instruction aveugle et à charge, est pourtant venu témoigner à la barre en sa faveur. Preuve au moins que le tribunal n'a pas occulté un témoignage à décharge, et d'autant plus important qu'il venait de l'historien qui avait analysé les archives.
Jerôme a écrit :
Pour revenir au sujet, il faut insister sur deux points. Papon a été nommé par la IVe République dans le contexte de la guerre d'Algérie. Certainement pour tenir la capitale face aux risques d'attentats du FLN sans exclure le risque d'un coup d'état !
Concernant la manifestation pacifique des Algériens de Paris le 17 octobre 61, j'ai déjà dit que c'était "une connerie" de la part du FLN : des inspecteurs avaient été tués dans les mois précédents au cours de fusillades avec des collecteurs de fonds du FLN, la moitié des flics parisiens en tenaient pour l'OAS, il est clair que cette manifestation serait réprimée avec la dernière violence. (Pour moi elle l'a été de façon abjecte, mais c'était hélas à craindre.)
En revanche, la répression très violente de la "manifestation de Charonne" en février 62 (9 morts et un nombre "très élevé" de blessés graves, j'ai en tête le chiffre de 250) est un scandale pour lequel Papon aurait dû être condamné. Mais De Gaulle voulait montrer qu'il tenait la balance égale entre OAS et communistes, et un Papon, ex-vichyste, ne risquait pas de nuancer des ordres de sévérité. La manifestation avait d'ailleurs été interdite, ce qui peut étonner, la gauche entendant simplement manifester pacifiquement contre l'OAS, dont les bombes tuaient aux quatre coins de Paris, un motif parfaitement recevable en démocratie : cette manifestation n'était pas factieuse. De plus on était en pleine négociation des accords d'Evian, qui seront signés un mois plus tard.
L'enterrement des victimes du métro Charonne donnera d'ailleurs lieu à une colossale manifestation populaire, accompagnant le cortège, qui regroupait plusieurs centaines de milliers de manifestants, dans un silence impressionnant, que le pouvoir se garda bien d'interdire, cette fois. (D'une certaine manière, c'est l'OAS que le peuple - et je dirais volontiers TOUT le peuple - enterrait ce jour-là. De fait la répression de CHaronne n'avait pas ému que des gens de gauche : beaucoup de gaullistes s'étaient trouvés déconcertés qu'une manif contre les pratiques et le danger de l'OAS soit ainsi réprimée aussi durement.)