Pouzet a écrit :
Parmi ces personnages le couple Helmut Kohl et Harry Truman.
Il les présente comme des "médiocres de génie" c'est à dire comme des personnages qui à l'origine étaient considérés comme médiocres mais qui ont fait de grandes choses.
Dans "Antiportraits", Alain Minc ajoute cette phrase qui relativise la supposée médiocrité de ces deux politiques. De mémoire : "ils illustrent une notion qui ne nous est pas évidente [je crois qu'il ajoute "à nous Français"] la banalité du bien."
Au passage ces deux portraits sont à lire, parce que l'action décisive de ces deux hommes, chacun à leur époque, est un peu passée inaperçue des historiens. (Mais pas des contemporains : l'un comme l'autre ont eu affaire à une actualité "chaude", et leurs actes ont été suivis de près.) Et loin de mettre en avant leur prétendue "médiocrité", Alain Minc en fait un portrait dithyrambique.
Je cite souvent ce mot de Truman, qui me parait situer le personnage. Après Potsdam, comme son entourage lui demande ce qu'il pense de Staline :"He's a son of a bitch. But happily he thinks I'm one, too."
("C'est un fils de pute. Mais heureusement, il pense que j'en suis un, moi aussi.")
Je trouve que ce mot marque bien le coup d'oeil qu'il avait sur les enjeux à venir. En 48, lorsque Staline commence à tester la détermination occidentale en fermant les accès à Berlin-Ouest, Truman ne se contente pas de déclarer laconiquement "We'll stay. Period." ("Nous y resterons. Point final.") il fait en même temps transférer en Angleterre une escadrille stratégique de 60 bombardiers à très long rayon d'action équipés de têtes nucléaires. Histoire de marquer à Staline que l'escalade, s'il lui en prend la fantaisie, est un jeu qui peut se jouer à deux.
L'étonnant petit homme en imperméable, a été à ce tournant des choses, celui qui a su marquer l'histoire en mettant en place la stratégie de l'endiguement, mettant une limite aux ambitions staliniennes.
Le mot "médiocre" est mal venu. Truman a certes commencé dans le commerce en gros de chemises, a fait une carrière politique inattendue dans son état (emportant le poste de gouverneur, je crois, contre tous les pronostics) avant d'être choisi comme colistier pour le dernier mandat de Roosevelt, et s'est ainsi retrouvé sur un strapontin de vice-président qui n'était tenu au courant de rien.
(Mais Roosevelt était coutumier du fait - il shuntait régulièrement ses ministres, par exemple - et cela en dit plus sur l'orgueil de Roosevelt, décidé, aux portes de la mort, à laisser une trace dans l'histoire, que sur la supposée médiocrité de Truman.) Tout au plus peut-on noter qu'il lui a fallu un certain délai pour s'informer des dossiers et réellement prendre les manettes.
Ainsi Truman n'est pas "médiocre", il est inattendu.