Les réfugiés palestiniens constituent effectivement une catégorie à part parmi les réfugiés, et cela depuis des décennies, alors que ce ne sont pas les camps de réfugiés qui manquent sur la planète.
Le point qui fait exception est le suivant, dans le statut particulier que leur a conféré l'ONU : (UNRWA Administration mondiale des Nations Unis pour les Réfugiés)
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Contrairement au statut de réfugié donné depuis 1945 par l'ONU aux autres populations déplacées au cours de conflits dans le reste du monde, le statut de réfugiés palestiniens englobe non seulement l'ensemble des personnes qui résidaient en Palestine mandataire entre juin 1946 et mai 1948 et qui ont quitté leur région à la suite de la guerre de Palestine de 1948, mais comprend également leurs descendants. Leur nombre s'est ainsi multiplié par 5 en 50 ans.
Narduccio n'a pas tous les torts de parler de "victimisation" des réfugiés palestiniens (autant par eux-mêmes que par les autres) qui les a empêchés de s'intégrer et de devenir des habitants "normaux" des pays où ils s'étaient réfugiés, mais c'est un point de vue qui ne prend pas assez en compte les facteurs historiques et politiques qui ont conduit à ce statut "d'éternels réfugiés" :
- Tout d'abord, à l'origine, les Palestiniens réfugiés dans les pays voisins (et en 1948 la Cisjordanie était... jordanienne) comptaient bien rentrer chez eux. Ils étaient quelques centaines de milliers, l'écrasement d'Israël par ses (nombreux) voisins et ennemis arabes était l'affaire de quelques années - certainement beaucoup moins - et la nécessité pour eux de s'installer durablement dans leur pays d'accueil ne sautait pas aux yeux.
- Ils ont été instrumentalisés par eux-mêmes et par les pays arabes comme les éternelles victimes d'Israël, que l'on pouvait utiliser dans les négociations internationales en réclamant le "droit au retour", ce qui faisait un poids dans la balance. (Le droit au retour reste présent dans les revendications de l'Autorité Palestinienne. En réalité le premier leader palestinien qui parlerait d'y renoncer serait vu comme un traitre à la cause et aurait de sérieux ennuis. Même si au fond chacun sait bien que Israël - 8 millions d'habitants - n'accueillera jamais 4 millions de "réfugiés" palestiniens.)
- plus grave, les pays d'accueil ont bien souvent refusé absolument que les Palestiniens puissent acquérir la nationalité de ce pays. C'est notamment le cas du Liban et de la Jordanie, dans les deux cas parce que leur nombre en aurait fait une puissance armée interne à leur nouveau pays, avec un poids inacceptable dans la balance militaro-politique.
(En 1970, lors de l'épisode de Septembre Noir, Hussein de Jordanie a lancé son armée (ses "bédouins") sur les camps palestiniens - provoquant ainsi des exactions qui dépassent de loin celles de Sabra et Chatila* - et expulsé les Palestiniens. Simplement parce que du train où allaient les choses ils allaient bientôt gouverner le pays à sa place. Au Liban l'OLP a choisi le camp arabe, où elle pesait lourd, dans la guerre civile. Mais bien avant cela il était clair qu'aucun gouvernement libanais - les gouvernements libanais sont toujours issus d'un compromis, ou d'un rapport de forces, comme on voudra - n'accepterait qu'ils deviennent libanais, ce qui aurait conféré un avantage électoral très net aux partis arabes. - Ou druzes et autres.)
* Bernard Kouchner, qui a préféré après Mai 68 aller soigner les victimes de guerre (de minorités sans moyens, par conviction, en commençant fin 68 par le Biafra) plutôt que singer la révolution en marche, s'est rendu en Jordanie au moment de Septembre Noir. Il a témoigné que des cadres palestiniens sont venus le chercher dans l'hôpital de fortune où il soignait les blessés - civils ou combattants - parce que les Bédouins approchaient et que la zone allait tomber. (Ils auraient certainement fait un sort à un Français qui n'avait rien à faire là.) Le lendemain ils l'ont ramené dans ce même hôpital, pour qu'il puisse témoigner que les Bédouins avaient égorgé ou mitraillé tout le monde, blessés et soignants.Ce refus d'en faire des nationaux s'est étendu à une bonne partie du monde arabe. (Volonté de se garder des "réfugiés" comme argument envers Israël, refus de les voir prendre des emplois aux nationaux, méfiance sur leur politisation ultérieure en tant que minorité soudée... et je ne sais pas tout.)
D'où cette décision de l'ONU, un peu baroque : les enfants des réfugiés palestiniens, et après cela les enfants de leurs enfants, acquièrent automatiquement le statut de réfugiés. Décision à la fois nécessaire et politique. (On sait que l'assemblée Générale de l'ONU passe son temps à voter des âneries, mais ça c'est mon opinion.)
A noter que cela ne concernent plus les Palestiniens résidant dans les territoires qui leur ont été reconnus (mais pas comme état) dans les accords d'Oslo de 93. (S'ils n'ont pas d'état, les Palestiniens ont malgré tout désormais un chez eux. Cette concession honnête de la part d'Itzaak Rabin lui a coûté la vie, assassiné par un extrémiste israélien, le fanatisme n'étant pas que d'un côté.)
Cela dit, contrairement à l'image très répandue qu'a répercutée Narduccio, il existe nombre de réfugiés palestiniens qui travaillent - signalons aussi qu'il y a beau temps que ce qu'on appelle les "camps palestiniens" sont en réalité des quartiers urbanisés - ainsi qu'une diaspora palestinienne dans les pays occidentaux.
Il y a des flopées d'ingénieurs et de techniciens palestiniens. Ils sont nombreux à travailler dans les Etats du Golfe (on sait que les Saoudiens ou les Qataris, entre autres, trouvent le travail trop salissant pour eux...) et un peu partout. (On peut se rappeler que le roi d'Arabie Saoudite en avait expulsé plusieurs centaines de milliers au moment de la guerre du golfe, en 91, parce que Arafat avait - curieusement - opté pour le soutien à Saddam Hussein dans son invasion du Qatar.)
[Je saute un peu la limite chronologique] Aujourd'hui il y a une Palestinienne au Congrès américain (démocrate très à gauche) et les riches Palestiniens de la diaspora américaine se font construire des villas à Ramallah. Le monde est toujours plein de surprises !