J'ai signalé sur le sujet du Chant des Partisans que la chanson Lili Marlene avait été reprise par tous les camps. Cela mérite un petit historique :
Au départ c'est une chanson allemande. Diffusée une fois par la radio militaire, en 41, elle connait rapidement une réelle popularité parmi les soldats. Même si on lui donne un petit air martial, c'est en réalité une chanson d'amour nostalgique qui évoque les pensées d'un soldat loin de sa bien-aimée : Vor der Caserne und vor dem grossen Tor Stand eine Laterne und steht sie noch davor So wollen wir uns da wiedersehen Vor der Laterne wollen wir steh'n Wie einst Lili Marlene
En gros :
Devant la grande porte de la caserne Il y avait une lanterne qui s'y trouve encore. Et nous nous retrouverons là, Tous deux sous cette lanterne, Comme avant Lili Marlene.
Toute la nostalgie est dans ce "comme avant" - ou "comme à cette époque" - très évocateur pour des Landser qui commençaient déjà à en avoir plein les bottes. Dans un premier temps Goebbels n'a pas apprécié, avant de céder à sa popularité et d'en faire une chanson de la Wehrmacht.
A ma grande surprise (parce qu'elle a été chantée en français par Marlène Dietrich) la version française est créée par Suzy Solidor, une chanteuse de la collaboration parisienne.
Suzy Solidor, une tête à vent, qui invitée à venir chanter à Berlin, et trouvant la gare pavoisée de drapeaux SS - ses initiales - commenta au retour, dans un cabaret parisien, que c'était vraiment gentil mais qu'on n'aurait pas du faire tout ce tralala pour elle. (Gros éclats de rire chez les officiers du Gross Paris !)
Les Français, toujours mauvais esprit, adaptèrent rapidement la version de Suzy Solidor aux dures nécessités de l'heure : Quand on a pas de beurre On mange de la margarine, Quand on a pas de sucre On prend de la saccharine, etc... (Ma mère a oublié le texte complet.)
Pour finir, Marlène Dietrich, qui chantait sur le front pour les troupes alliées, a étrenné la version américaine, que le commandement US avait voulu volontairement plus optimiste. La chanson Lili Marlene devint donc l'emblème de la lutte contre le nazisme.
We will create a world for two, I wait for you the whole night through for you, Lili Marlene for you, Lili Marlene.
Je vous laisse donc avec cette version assez jolie (il a existé aussi des versions swing, chez les Américains) sachant que cette chanson universelle a été traduite en 42 langues. Y compris en russe, alors qu'on imagine pourtant mal Staline encourager la nostalgie chez ses frontoviki, mais je n'ai pas la traduction.
_________________ Les raisonnables ont duré, les passionnés ont vécu. (Chamfort)
Dans le genre antimilitariste bien caché sous un aspect militaire bien traditionnel avec la pointe de nostalgie qu'il faut, nous avons ceci
Irgendwo im fremden Land Ziehen wir durch Stein und Sand Fern von zuhaus und vogelfrei Hundert Mann und ich bin dabei Hundert Mann und ein Befehl Und ein Weg den keiner will Tagein tagaus, wer weiß wohin Verbranntes Land und was ist der Sinn Ganz allein in dunkler Nacht Hab ich oft daran gedacht Dass weit von hier der Vollmond scheint Und weit von mir ein Mädchen weint Und die Welt ist doch so schön Könnt ich dich noch einmal sehn? Nun trennt uns schon ein langes Jahr Weil ein Befehl unser Schicksal war Wahllos schlägt das Schicksal zu Heute ich und morgen du Ich hör von fern die Krähen schreien Im Morgenrot warum muß das sein? Irgendwo im fremden Land Ziehen wir durch Stein und Sand Fern von zuhaus und vogelfrei Hundert Mann und ich bin dabei
Quelque part en terre inconnue Ils traversent roc et sable, Loin de chez eux et hors-la-loi Cent hommes, et il est l'un d'entre eux
Cent hommes et un ordre, Et un chemin dont personne ne veut Jour après jour, qui sait jusqu'où Une contrée brûlée vive, et qu'en est le sens?
Seul dans la nuit noire, Tu as souvent pensé À la pleine lune qui brille loin d'ici Et à la jeune fille qui pleure loin d'ici
Et le monde est pourtant si beau, Si seulement je pouvais te revoir une seule fois! Une longue année nous sépare déjà, Car un ordre scella notre destin
Le destin frappe sans discernement, Aujourd'hui c'est lui et demain ce sera toi J'entends les corneilles hurler au loin À l'aurore, pourquoi les choses doivent-elles être ainsi?
Quelque part en terre inconnue Ils traversent roc et sable, Loin de chez eux et hors-la-loi Cent hommes, et il est l'un d'entre eux
_________________ Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)
Avec le lien, nous avons bien le visage de Dietrich mais la voix n'est pas la sienne. J'ai cherché (pas énormément, je l'avoue, n'étant pas très fan de la personne) et je n'ai pas trouvé la version "française" par Dietrich, auriez-vous le lien ?
Jean-Marc Labat a écrit :
Dans le genre antimilitariste bien caché sous un aspect militaire bien traditionnel avec la pointe de nostalgie qu'il faut, nous avons ceci...
Je ne connaissais pas cette chanson, elle est vraiment magnifique. Il y a -je crois- une petite différence entre la version chantée et les paroles données mais je puis me tromper. "Hab ich oft daran gedacht..." ; là, j'entends "Hast du...", peut-être une adaptation car chanté par une femme ?
Deux très belles chansons et, pour une fois, je trouve que la version "originale" (allemande) de Lili M. est plus prenante, plus sobre, plus lente. Ce sont des amoureux qui se quittent à un endroit bien précis et la lanterne -avec sa lumière diffuse- semble éclairer le temps qui va s'écouler avant la prochaine rencontre, au même endroit. On ne peut en faire une chanson de soldats qui marchent à une cadence bien enlevée et puis la "lanterne" ne devient plus qu'un vague objet : on pourrait évoquer un banc, un pont, un coin de rue... Elle n'est plus l'objet "central" autour duquel tourne la chanson. Je ne trouve pas cette opposition de la "grande porte fermée" (qui va happer, qui semble épaisse, un mur, une vie...) et la lumière, en face, qui apporte à l'huis un peu d'humanité et d'espoir.
C'est un peu comme si le passage des amants dans "Les parapluies de Cherbourg", moment où l'homme annonce qu'il part se chantait sur un ton léger et puis "bon... ben... à la revoyure un d'ces jours, dans le même rade...". Ceci casse un peu l'effet, pour ce qui me concerne. *-*
_________________ "... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill) "... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)
Bien dit Rebecca West, je partage votre affinité pour la version originale de Lili Marleen, lente, romantique et en allemand (ainsi que votre préférence envers le Chant des Partisans).
Qu'est-ce qui vous fait dire que vous n'êtes "pas très fan de la personne"? Il me semblait que, comparée à des compatriotes, elle avait plutôt brillé par sa clairvoyance et joint l'action à la prise de position.
Avec le lien, nous avons bien le visage de Dietrich mais la voix n'est pas la sienne. J'ai cherché (pas énormément, je l'avoue, n'étant pas très fan de la personne) et je n'ai pas trouvé la version "française" par Dietrich, auriez-vous le lien ?
Désolé, mais il va vous falloir chercher : si je me suis fait refiler une autre voix, vous pensez bien que je ne la discrimine pas. (Si vous pouvez nous mettre en ligne la vraie Marlène...)
Même question que Baumont : qu'est-ce que vous avez contre Marlène Dietrich ? (Ils ne sont pas si nombreux, les artistes français qui ont fait leur devoir !)
Nous avons la même opinion sur la Marseillaise. Pour le chant des partisans, votre analyse de la solitude du choix est intéressante, mais vous négligez toutefois un certain aspect collectif : "Montez de la mine, descendez des collines, camarades." (En revanche, le Partisan de Léonard Cohen évolue dans une solitude mortelle : "Hier encore nous étions trois, il ne reste plus que moi, vous qui le savez : effacez mon passage.")
Citer :
Jean-Marc Labat a écrit :
Dans le genre antimilitariste bien caché sous un aspect militaire bien traditionnel avec la pointe de nostalgie qu'il faut, nous avons ceci...
Je ne connaissais pas cette chanson, elle est vraiment magnifique. Il y a -je crois- une petite différence entre la version chantée et les paroles données mais je puis me tromper. "Hab ich oft daran gedacht..." ; là, j'entends "Hast du...", peut-être une adaptation car chanté par une femme ?
Il y a une grosse erreur de traduction : Ce n'est pas "Ils traversent roc et sable" mais "nous traversons roc et sable". Toute la chanson est à la première personne, c'est un soldat qui parle. (Je pense que c'est donc sans doute le cas dans la phrase que vous citez, Rebecca.)
@Jean-Marc : c'est une petite merveille, que tu nous as trouvée là.
Et ce sont donc des Allemands qui l'ont tourné en chant antimilitariste. Sans doute précisément à cause de la guerre du Vietnam, mais elle est intemporelle.
(ça rappelle Coluche :"Même les jeunes Allemands ils veulent plus faire la guerre ! t'as qu'à voir dans quelle m... on est ! )
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Inscription : 13 Juin 2017 16:04 Message(s) : 1132
Pierma a écrit :
...qu'est-ce que vous avez contre Marlène Dietrich ? (Ils ne sont pas si nombreux, les artistes français qui ont fait leur devoir !)
Ai-je écrit "... avoir quelque chose contre..." ? Relisez. Je ne suis "pas fan" de l'actrice, pas plus de la chanteuse reprenant les standards américains et/ou anglais et encore moins du mythe. C'est tout. Je ne vois pas le rapport avec les "...artistes français... bla x 3 ... devoir..." : Dietrich n'était pas française. Ajoutez à ceci que le côté "mythe" donc construction pensée avec cette notion de "vouloir perdurer" et la recherche d'une certaine adulation n'est pas un "truc qui me parle". Pour en revenir à la chanson, la voix rauque de Dietrich est un plus ; par Ute Lemper, j'aime moins et j'ai été étonnée par cette version : https://www.youtube.com/v/X3-7-DZ0XXU&list=RDji7K2QX-fCQ&index=5 Je pense que c'est tout simplement la voix rauque et les sons gutturaux qui matchent et apportent à la chanson un côté sensuel. Lemper n'a pas la voix rauque, Hagen un peu quant à N. Mouskouri, elle a toujours évoqué ce "voile" qu'elle avait dès qu'elle abordait des notes un peu basses.
Citer :
...mais vous négligez toutefois un certain aspect collectif : "Montez de la mine, descendez des collines, camarades."
Je vois le mot "camarade.s." comme un mot à connotation politique donc je passe. Si ceci fait vibrer certains, tant mieux. Je ne suis pas encartée où que ce soit : ce n'est pas le genre de la maison ni le critère pour prendre le maquis. Pour l'appellation, sur le terrain, on rectifiera.
@ Lorelei : Merci pour cette version que je ne connaissais pas. Elle me plait mais je préfère Dietrich (les "R" sont moins présents ). *-*
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@Jean-Marc : c'est la version que j'ai mise en ligne et dont Rebecca estime que ce n'est pas la voix de Marlène Dietrich, ce que je suis bien incapable de trancher. Mais Lorelei, qui a l'oreille fine, confirme qu'on ne la trouve pas en français.
Après Nina Hagen et Nana Mouskouri, j'ai aussi Marie Laforêt, si on veut poursuivre le défilé.
Rebecca West a écrit :
Citer :
...mais vous négligez toutefois un certain aspect collectif : "Montez de la mine, descendez des collines, camarades."
Je vois le mot "camarade.s." comme un mot à connotation politique donc je passe. Si ceci fait vibrer certains, tant mieux. Je ne suis pas encartée où que ce soit : ce n'est pas le genre de la maison ni le critère pour prendre le maquis. Pour l'appellation, sur le terrain, on rectifiera.
Mon grand père (résistant) détestait le chant des partisans, vu comme un chant communiste. Sans doute, comme vous, à cause de ce "camarades".
A tort, semble-t-il, sans certitude, mais Kessel n'était pas communiste (sympathisant ?) et Druon en bouffait à tous les repas.
Pouvez-vous nous épargner vos considérations du genre "si cela fait vibrer certains" ou plus choquant "ni un critère pour prendre le maquis" : il s'est trouvé pas mal de jeunes communistes pour juger que si, justement, leur qualité de militant communiste leur faisait un devoir de se battre. Engagement tardif - au plus tôt en juin 41, où Staline a été cruellement déçu par son ami Hitler - mais enfin ils ont fait le job, en ont parfois payé le prix, et méritent mieux qu'une affirmation aussi tranchée.
Est-il besoin de préciser que perso la grande révolution prolétarienne ne m'a jamais fait vibrer ? (il me semble que je le manifeste fréquemment.)
--------------------- En plus léger, mes parents, après un complément d'interrogatoire, m'attestent que toute la France a chanté cette autre parodie de Lili Marlène :
Devant la caserne Un soldat allemand Qui montait la garde Tout en larmoyant. Je lui demandai "Pourquoi pleures-tu ?" Y m'répondit "On est foutus, On a Les Russes au cul.
J'adore !
Cela a pu égayer cette année 43 qui a été si longue. (De Gaulle disait : "la France souffre.") Au passage, la Guerre Froide a balayé ce sentiment, mais en 43 la majorité des Français suivait avec la plus grande satisfaction les déboires de la Wehrmacht à l'est. On avait si peu de motifs de se réjouir...
Et Pierre Dac - on l'a déjà écouté - enfonçait le clou à Radio Londres : (Le Dniepr c'était après leur défaite de Koursk, en juillet 43.)
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Inscription : 13 Juin 2017 16:04 Message(s) : 1132
Pierma a écrit :
Mon grand père (résistant) détestait le chant des partisans, vu comme un chant communiste. Sans doute, comme vous … il s'est trouvé pas mal de jeunes communistes … Engagement tardif … Est-il besoin de préciser que perso la grande révolution prolétarienne ne m'a jamais fait vibrer ? (il me semble que je le manifeste fréquemment.)
1- Ai-je écrit que je voyais le "chant des Partisans"comme un chant communiste ? Non. Remisez les parallèles plus qu'aléatoires avec votre aïeul.
2- Oui le mot "camarade.s." me fait songer au militantisme en général et oui le militantisme n'est pas ma tasse de thé.
3- Concernant le maquis, je n'évoquais que les raisons qui pourraient me pousser à un choix tel et le militantisme n'en fait pas partie. Maintenant, je ne vais pas recadrer -comme vous le faites- pour ensuite mettre la pédale de l'année 41 comme piqure de rappel. Je puis vous assurer qu'il a existé des communistes et socialistes maquisards avant 1941 et sans attendre les ordres de Moscou ni ceux de De Gaulle.
4- Puisqu'en effet vous vous étendez très largement sur vos préférences/choix/jugements politiques entre autres, daignez accepter que d'autres intervenants en fasse autant et bien souvent de manière moins récurrente et/ou clivante.
F/P en ce qui me concerne. //
_________________ "... we shall fight on the seas and oceans, we shall fight ... whatever the cost may be ... we shall never surrender...." (W. L. Churchill) "... The ship is anchor’d safe and sound, its voyage closed and done, ... From fearful trip the victor ship comes in with object won ..." (W. Whitman Jr)
Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous deux adoraient la belle Prisonnière des soldats Lequel montait à l'échelle Et lequel guettait en bas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Qu'importe comment s'appelle Cette clarté sur leur pas Que l'un fût de la chapelle Et l'autre s'y dérobât Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du coeur des bras Et tous les deux disaient qu'elle Vive et qui vivra verra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Quand les blés sont sous la grêle Fou qui fait le délicat Fou qui songe à ses querelles Au coeur du commun combat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Du haut de la citadelle La sentinelle tira Par deux fois et l'un chancelle L'autre tombe qui mourra Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Ils sont en prison Lequel A le plus triste grabat Lequel plus que l'autre gèle Lequel préfère les rats Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Un rebelle est un rebelle Nos sanglots font un seul glas Et quand vient l'aube cruelle Passent de vie à trépas Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Répétant le nom de celle Qu'aucun des deux ne trompa Et leur sang rouge ruisselle Même couleur même éclat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Il coule il coule il se mêle A la terre qu'il aima Pour qu'à la saison nouvelle Mûrisse un raisin muscat Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas L'un court et l'autre a des ailes De Bretagne ou du Jura Et framboise ou mirabelle Le grillon rechantera Dites flûte ou violoncelle Le double amour qui brûla L'alouette et l'hirondelle La rose et le réséda
_________________ Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer (Guillaume le Taciturne)
Kessel n'était pas communiste, et encore moins son neveu Druon. Que je sache, il n'avait rien spécialement contre eux, mais l'encartement n'était pas sa tasse de thé. Le mot "camarade", s'il a été un peu phagocyté par Lénine et ses copains, a existé avant le communisme et quelques écrivains amoureux de la langue française ne s'interdisent pas l'utilisation de ce doux mot. C'est l'expérience commune qui fait le camarade (de classe, de chambrée, de régiment, de guerre, de maquis, d'infortune...). Même les anars l'emploient volontiers.
Celui qui croyait au ciel Celui qui n'y croyait pas Tous les deux étaient fidèles Des lèvres du coeur des bras
Magnifique Eluard...
(On m'a offert il y a des années une anthologie des poètes de la Résistance, qui a disparu dans des déménagements... A l'époque la poésie m'intéressait moins, aujourd'hui j'adorerais y revenir.)
Une anecdote, pour illustrer cette fraternité entre contraires : un jour le colonel Rémy a un rendez-vous clandestin avec un chef communiste, j'ai oublié lequel. Peut-être Ouzoulias, des FTP, peu importe. Rémy arrive au rendez-vous très déprimé : coups durs récents, des arrestations, il est moralement à plat. Il explique à son contact : "écoutez, mon vieux, je ne suis pas très bien, il faut que j'aille un moment faire une prière dans une église. Bien entendu vous n'êtes pas obligé de m'accompagner."
(On sait que Rémy, fervent catholique, avait mis son réseau, la Confrérie Notre-Dame, sous la protection de la Vierge, qui n'a pas toujours suffi, hélas, mais sur laquelle il comptait beaucoup.)
L'autre lui dit :"Non, je vais vous accompagner. De toute façon je ne vais pas vous attendre dehors, au risque d'attirer l'attention, je vous suis." Donc ils entrent dans la première église, Rémy se met à prier, tandis que l'autre s'assied un moment.
Ouzoulias - si c'était lui - devait raconter plus tard : "c'était incroyable, il était transfiguré. Ce moment de prière l'avait retapé, il avait retrouvé toute son énergie." (Pour un chef communiste, ce processus devait bien paraître un peu exotique, mais enfin il le constatait.) Et les deux de partir bras dessus bras dessous, pour aller évoquer les affaires et les coups en cours. (Je crois qu'ils devaient discuter ensemble avec un troisième larron.)
Celui qui croyait au ciel et celui qui n'y croyait pas...
GustavedeBeaumont a écrit :
Kessel n'était pas communiste, et encore moins son neveu Druon. Que je sache, il n'avait rien spécialement contre eux, mais l'encartement n'était pas sa tasse de thé. Le mot "camarade", s'il a été un peu phagocyté par Lénine et ses copains, a existé avant le communisme et quelques écrivains amoureux de la langue française ne s'interdisent pas l'utilisation de ce doux mot. C'est l'expérience commune qui fait le camarade (de classe, de chambrée, de régiment, de guerre, de maquis, d'infortune...). Même les anars l'emploient volontiers.
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