Lampsaque a écrit :
@Dupleix
1° « encore qu’en 1815 à Vienne il y ait eu des projets prussiens visant à retirer à la France l’Alsace, voire une partie de la Lorraine, de la Champagne et de la Franche-Comté »
Oui, j’en ai plusieurs fois entendu parler, j’ai cherché, mais je n’ai jamais trouvé un livre où c’était exposé un peu en détail. En connaissez-vous un que vous pouvez m’indiquer ?
Merci d'avance.
Je l’ai lu dans : Le congrès de Vienne, Jacques-Alain de Sédouy, Perrin (pages 265-266).
Après Waterloo, Hardenberg, représentant de la Prusse, demande que la France soit privée de l’Alsace et des forteresses de la frontière des Pays-Bas, de la Meuse et de la Sarre. Les militaires prussiens ont des projets allant encore plus loin, que j’ai évoqués. Ceci dans le but de priver la France de tout moyen de redevenir une menace sur le Rhin.
Lampsaque a écrit :
2° En somme pour vous, par ses succès et par la haine inextinguible de Vienne la France a été comme contrainte aux conquêtes…
Je crois qu’un certain goût de l’expansion a joué son rôle aussi…
Et un certain refus d’une paix qui n’aurait pas comporté des agrandissements considérables...
Tout d’abord, en ce qui concerne la République, il y a eu certes la funeste théorie des « frontières naturelles » ; mais vous semblez avoir tendance à oublier que :
- la République était considérée par ses ennemis comme un régime illégitime, surtout après l’exécution du roi,
- le régime avait subi des complots royalistes, des rébellions (la Vendée), des trahisons de généraux (Dumouriez, Pichegru), l’invasion du territoire national, et parfois tout cela en même temps (Toulon). Autant d’agressions pouvant mettre effectivement la Patrie en danger et derrière lesquelles on voyait, à tort ou à raison, le soutien des puissance ennemies qui par ailleurs hébergeaient l’armée des émigrés.
Il ne me semble pas illogique que, une fois enfin victorieuse, la France ait choisi de conserver ses conquêtes pas seulement par volonté d’opprimer l’Europe, mais pour se protéger géographiquement d’un retour de ces ennemis pour qui le régime même était une anomalie à supprimer (comme ils l’avaient clairement proclamé en 1792).
Plus spécifiquement puisque vous parlez de Napoléon et de l’Autriche : je ne nie pas, bien sûr, que le désir de gloire et de pouvoir de Bonaparte ait joué un rôle. Mais même si vous le dites de manière caricaturale, il y a un peu de ça. Battue, l’Autriche a signé la paix à Campo Formio qui lui permet tout de même de compenser ses pertes en annexant une grande partie de la Vénétie. (par parenthèse, selon Wikipedia, les négociations de paix avec l’Angleterre échouent à ce moment car celle-ci refuse de restituer Ceylan et le Cap. Apparemment, donc, des territoires plus importants pour elle que la signature d’une paix générale...).
2 ans plus tard, l’Autriche rejoint la 2ème coalition. A nouveau battue, elle signe la paix de Lunéville qui ne change guère la situation. 4 ans plus tard, elle remet le couvert. Ce n’est peut-être pas de la haine inextinguible, mais ça ressemble à de l’acharnement.
Elle est à nouveau battue à Austerlitz.
On peut considérer qu’à ce moment il était judicieux de rendre à l’Autriche la Lombardie, les Pays-Bas et la rive gauche du Rhin, en espérant sa gratitude et la bienveillance britannique.
Mais on peut aussi comprendre, sans invoquer les « rêves » ou l’ « agression » de Napoléon, que celui-ci décide plutôt d’appliquer la même méthode que Hardenberg ci-dessus : ôter les moyens à l’Autriche de redevenir une menace. Nous savons que cela n'a pas fonctionné, mais c'est parce que nous connaissons la suite... Je ne suis pas sûr que Napoléon avait vraiment rêvé de risquer son armée, son trône et sa vie sur un coup de poker au fin fond de la Moravie, pour le plaisir d’annexer la Dalmatie. La plupart des territoires pris à l’Autriche à ce moment là ne sont d’ailleurs pas annexés par la France mais donnés à ses alliés.